mercredi 19 septembre 2012

Paul Sébillot, conteur de Haute-Bretagne

La Bretagne est souvent associée à la langue bretonne, dont le riche patrimoine littéraire et musical raisonne bien au-delà des frontières de la région. Cependant, il est intéressant de découvrir que dans cette région celtique il existe également des coins où la langue traditionnelle est une langue d'oil, le gallo. Cette culture romane aux confins des mondes latins et celtiques mérite elle aussi un détour...

 La Bretagne romane possède ainsi tout un folklore, des danses, et également des légendes, qu'a fortement contribué à faire connaître Paul Sébillot, folkloriste du XIXème siècle. Celui-ci, devant la grande vogue celtique du XIXème qui valorisait la culture de la Bretagne de langue bretonne, et valut une grande renommée littéraire à des auteurs bretonnants comme Luzel ou La Villemarqué, eut à coeur de montrer qu'il y avait également une culture originale et riche de son côté de la Bretagne.

Parmi ses nombreux ouvrages, on peut notamment citer la Littérature orale de Haute-Bretagne, qui compile des contes de Bretagne romane. Ceux-ci sont intéressant à plus d'un titre: si la mer et les créatures fantastiques omniprésentes nous évoquent la Bretagne, ces contes évoquent des personnages familiers de la littérature d'autres coins de France, comme Gargantua. Il y a aussi une forme de réalisme dans la manière de décrire le quotidien des personnages qui rendent ces contes particuliers.

Voici un conte issu de ce recueil, qui présente en plus la particularité d'être en gallo, ce qui est paradoxalement assez rare dans ces recueils, où le français, langue prestigieuse et depuis longtemps familière dans ce coin de Bretagne, jouissait déjà d'une position prédominante. Ce  conte témoigne illustre bien la richesse et l'intérêt de ces contes, qui aborde des sujets fantastiques avec des images, des détails et un ton ancrés dans la vie du petit peuple de Haute-Bretagne.


Voici, à titre de curiosité, un conte que je tiens de mon ami et compatriote, M. Auguste Lemoine, qui l’a entendu aux environs de Dinard. C’est un conte de seconde main, et qui n’est par conséquent point littéral. Je l’ai rédigé en patois du littoral ; mais, pour être vrai, je dois ajouter que jamais aucun de mes conteurs ne s’est servi purement du patois pour me raconter des légendes. La plupart du temps, il y avait entre leurs récits et leur manière habituelle de s’exprimer autant de différence qu’il y en a entre la langue écrite et le langage de la conversation ordinaire.

Un saï[1] que la mère Milie[2], qu’était saïge-femme[3] de son état, était assise su n’un berchet[4] dans l’coin d’son fouyer, o ouït queuqur’un[5] qui cognait à l’hu[6] de son hôté.
O débarrit la porte, et o vit entrer sez ielle[7] eune veille femme qui li dit comme héla de veni do ielle tout cont’ Saint-Leunaire, à cette fin d’assister une créiature qu’était en ma d’éfant[8], Milie répondit qu’o voulait ben : o print ses solées[9], mint su son dos eune petite devantière, rapport à la fret[10] ; o cutit[11]son feu et sieuvit la veille qui cheminait devant ielle et marchait par les sentes comme s’il avait été joû.
I’y avait mêzé[12] un p’tit d’temps qu’iz étaint partis, quand Milie ouït le bru de la mé, qui menait tenant de ramaïge cont’ les roches des falâses.
— Eioù qu’ous me menez ? qu’o dit[13]. Voul’ous me faire aller diqu’à[14] la Goule-ès-Fées, ousque n’en dit qu’on vaït des fions d’aut’ faïs[15] ?
— Vère[16], Milie, que li repondit la veille ; j’allons directement là. Prends ma main ; tu n’as que faire d’avaï poû[17] ; je n’veux point te défalâser[18]. Sieus-ma, et tu renras service à ieune de tes semblabes.
Milie arait ben voulu êt’e cor sez ielle au coin d’son fouyer, ou ben dans son let ; mais olle était forcée d’aller éioù que l’aut’e la menait, et o marchait sur les pentières des falâses comme su n’eune route messière.
E’ finirent par arriver à la Goule-ès-Fées, qu’est eune grotte escarabe[19], quasiment aussi grande que ielle à Poulifée ou la Salle à Margot, que les monsieux vont va quand le temps est biau, et qui sont au bas des falâses de Ferhel. O vit su n’un let eune femme toute jieune et qu’avait p’usieurs personnes alentour de ielle. O li portit secoû, et bentôt o reçut un biau petit gars, ben mochet[20], qui b’sait ben sept liv’es tras quarts ou le quart maïns de huit liv’es.
Les aut’s femmes donnitent à Milie eune bouêtte où i’ n’y avait une manière d’onguent, quasiment pareil — respé d’vous — à de la graisse de pouër[21], et i’ li ditent de frotter l’éfant, et de ben s’essuer[22] les mains après de cela, ou ben qu’i li en arriverait vantiez du deu[23].
O frottit la garçaille, et sans faire mine de ren o se grattit un zieu[24] et o s’en mint un p’tit dans n’un coin. O n’eut pas p’utôt fait héla, qu’o vit tout changé alentour de ielle. La grotte était belle comme une église à la Miaô[25] ; les femmes étaint attifées comme des princeresses, et Milie n’avait ren veu de si biau ni à Saint-Malo sez les bourgeois, ni dans les châtiaux de Proubala, de Pleurtu et de Saint-Béria[26]. O vayait à l’entour de ielle toutes sortes de petits fions qui n’étaint pas plus gros que l’peuce[27], qu’étaint habillés comme des monsieux cossus, et qu’avaint à leux cautés d’z épées qui n’étaint pas p’us longues que d’s épilles à piécettes[28].
Olle était tenant[29] ébahie, mais o ne dit ren, et o frottit l’éfant diqu’à au moment où i’ li ditent de fini. V li donnitent eune bonne boursée d’argient et la ramenitent, ben contente, diqu’à sez ielle.
Depais le temps-là, o vayait par les sentes, par les clos et un p’tit partout toutes sortes de fions, mais o ne faisait mine de ren. Un joû qu’olle était à la faïre de Saint-Béria[30] éioù que les touchous de Tréméreu et d’ Peûdeûneu[31]viennent venre leux pouërs et leux nourretures[32], o vit les fées qui tenaint toutes sortes de p’tits jeux pour baiser[33] l’ pauv’ monde et li voler sa pauv’ argent. O ne dit cor ren le coup-là, mais quand ce fut su la reciée[34],à n’un moment où i n’y avait ténant[35] d’ monde au Carrousé et alentour des marchands qui vendent des saucisses de Plancoué et des cimériaux[36], o vit ieune des fées qui mettait sa main dans la pouchette de la devantière d’une chupée[37]. O s’ébérit[38] et o criit à la voleuse ! Mais la fée se tournit devers ielle et do le daït, o li arrachit un zieu si viferment[39], qu’o ne s’en avisit que quand o fut devenue borgneuse.
  1.  Soir.
  2.  Émilie.
  3.  Sage-femme.
  4.  Escabeau.
  5.  Elle entendit quelqu’un.
  6.  À la porte de sa maison.
  7.  Elle vit entrer chez elle.
  8.  En mal d’enfant.
  9.  Elle prit ses souliers.
  10.  À cause du froid.
  11.  Cacha.
  12.  Déjà.
  13.  Où me menez-vous ? dit-elle.
  14.  Jusqu’à.
  15.  Les fées d’autrefois.
  16.  Oui.
  17.  Peur.
  18.  Te jeter en bas de la falaise.
  19.  Escarable, énorme.
  20.  Dodu.
  21.  Porc.
  22.  S’essuyer.
  23.  Ou qu’il lui en arriverait peut-être du deuil, du mal.
  24.  Un œil.
  25.  La mi-août.
  26.  Ploubalay, Pleurtuit, Saint-Briac.
  27.  Pouce.
  28.  Épingles à attacher la partie supérieure du tablier.
  29.  Beaucoup.
  30.  À la foire de Saint-Briac.
  31.  Les marchands de cochons de Tréméreuc et de Pluduno.
  32.  Leurs petits cochons et leurs cochons à moitié engraissés.
  33.  Attraper, voler.
  34.  Dans l’après-midi.
  35.  Beaucoup de monde.
  36.  Sorte d’échaudés.
  37.  La main dans la poche du tablier d’une femme coiffée du Coq.
  38.  Elle s’écria.
  39.  Elle lui arracha un œil si vivement.

PS: A noter que ce conte est tiré de la version numérique du livre disponible sur Wikisource, la bibliothèque numérique du fameux Wikipédia, qui contient un grand nombre de textes tombés dans le domaine public.


mercredi 5 septembre 2012

La vie des corons, en version originale...

Le ch'ti peut être associé aux musiques légères voire grivoises qui ont nouri le répertoire de certaines figures emblématiques du Nord, comme celui du regretté Raoul de Godewarsvelde. Mais l'oeuvre en ch'ti présente d'autres dimensions: cette langue profondément enracinée dans l'histoire du Nord a pu servir à certains pour retranscrire le quotidien des populations qui y ont vécu, comme les mineurs.

On trouve ainsi une oeuvre émouvante de chansons en ch'ti qui évoquent avec justesse et tendresse la vie dans les mines et les terrils. On peut y découvrir la dureté de leur existence et leur désir d'un sort moins rigoureux, mais aussi la joie ou les amours qui éclairaient un peu ces vies qui ne se résumaient pas aux ténèbres des mines.

Renaud a eu le mérite de rendre un hommage remarqué à ce répertoire, en sortant un album de reprises de chansons écrites par des auteurs comme Simon Colliez ou Edmont Tanière. Ces musiques permettent de se plonger dans la culture des mineurs, accompagnée par la musique de l'accordéon et de cette langue à la musicalité particulière mais attachante qu'est le ch'ti.

La chanson "Dù qu'i sont" ( interprétée ici par Renaud ) décrit sobrement et avec un profond respect la vie des mines , dans cette chanson qui rend un bel hommage à la mémoire des mineurs.



La chanson "Tout in haut ed ch'terril"( écrite et interprétée ici par Edmond Tanière ) se distingue au contraire par son ton joyeux et facétieux: un ch'ti nous y confie sa combine pour passer des vacances économiques...


lundi 3 septembre 2012

La Mer...version normande

La mer reste associée à la belle chanson de Trenet, "La Mer". Mais d'autres avant lui ont su chanter la mer et l'émotion ressentie à sa vue. Alfred Rossel par exemple a évoqué "sa" mer, celle qu'on voit depuis les rivages du Cotentin, une région de Basse-Normandie, dans la chanson "Su la mé". Cette chanson, écrite dans la langue locale, le cotentinais, un dialecte du normand, est d'ailleurs devenue un hymne de la région.

Les vers de Rossel nous transporte en effet le long des côtes du Cotentin, devant cette mer sauvage et fascinante qu'il évoque par des mots simples mais éloquents. On en vient presque à partager l’envoûtement du personnage de la chanson devant les flots normands, si différents des golfes clairs de la Méditerranée chantés par Trenet, mais non moins charmants, qui sont parvenus à bercer mon imagination lors du refrain entêtant de la chanson.

Voici une version que j'apprécie de cette chanson. Les images de la mer nous mettent dans l'ambiance, tandis que l'accordéon envoutant et l'interprétation douce du chanteur restituent un peu l'impression de calme qu'on peut ressentir devant la mer.




jeudi 30 août 2012

Le retour des soeurs Aire

Finalement, j'ai trouvé quelques informations suplémentaires sur ces mystérieuses et captivantes artistes basques. Les soeurs Aire sont les petites-filles d'un grand artiste basque, Xalbador, qui brillait dans l'art exigeant du bertsu, un chant d'improvisation basque.

Les soeurs se produisent sur les scènes du Pays basque, pour offrir aux spectateurs leurs chansons envoutantes magnifiées par leurs voix douces et passionnées. En témoigne cette nouvelle chanson, où le choeur des voix des trois soeurs suffit pour créer un beau moment de musique.


Pour les curieux, le site "Balade en Pays Basque" consacre d'ailleurs un article aux trois soeurs.

jeudi 2 août 2012

Un peu de force basque...avec les soeurs Aire Aizpak

Aujourd'hui, c'est vendredi. Le dernier jour avant le boulot. J'ai trouvé le remède contre la lassitude qui menace après quatre longs jours de dur labeur: une bonne chanson basque engagée, Arrosako Zolan.

Je dois avouer que contrairement à mes autres articles, je n'ai quasiment aucune information sur les interprètes de cette chanson. Je n'ai pas trouvé de traduction, donc je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elles chantent, et je serais peut-être totalement en désaccord avec leur propos si je comprenais les paroles.

Mais j'aime l'énergie et la conviction avec lesquelles elles chantent cette chanson, qu'elles portent à bout de voix, soutenues par un mélange réussi entre instruments traditionnels et riffs de guitare électrique. Rien que de les entendre, ça me rend sensible à leur combat, car il paraît sincère. Et puis je trouve que c'est envoutant d'entendre cette mystérieuse langue basque, aux sons inhabituels et prenants, qui résonne depuis tant de siècles dans les Pyrénées.

Donc voici Arrosako Zolan:



dimanche 29 juillet 2012

Charles Pitou, le Mistral Percheron


Charles Pitou est un homme de lettre qui est resté une bonne partie de sa vie dans son pays du Perche, où il exerça le métier de clerc de notaire. Il dépeint avec beaucoup de finesse et de tendresse ce joli coin de France dans son oeuvre, qui reste surtout connu au niveau national pour le cheval percheron.

Le talent de Charles Pitou lui valut même le surnom de "Mistral Percheron". Il est à noter qu'il s'illustra aussi par sa poésie proche du Parnasse, un mouvement poétique célèbre du XIX siècle, qui considérait que le poète devait renoncer à un engagement politique et faire de l' "art de l'art", en recherchant la beauté à travers une esthétique épurée et soignée.

Sa peinture du Perche est vivante et colorée, avec des personnages pittoresques et attachants, comme le Jan Bras qui est le héros de ce poème que je souhaite partager pour illustrer l'oeuvre du poète. Ce poème est d'ailleurs beau par la simplicité et la joie de vivre qui apparaissent dans la vie de ce personnage, dont la comparaison avec un roi ne font que mieux ressortir l'humilité et les qualités humaines, portée par la langue sans fioriture et énergique du Perche.

J AN-TRAS (sonnet en patois Percheron)
Y’éviont din l’Peurch’ou timps d’outfoas,
Ein Ray comm’y n’sen font pû guère ;
Ou gran jémais y n’fit là guère ;
Y s’conttintiont d’rémai sé poas …
Quan l’vioulouné, sû la feugère,
F’sai gigoutai lè fill’, lé gas,
A la dins errivait Jan Tras
Qui nêvé ren aout chose à faire !
D’tou nout coeu j’lémions zé teurtous
Quand jè l’vouyomm’s és mitan d’nous
L’gûab’-m’en-pû, j’étiomm’ ty bin aise ! dédiée
Asteur qu’y n’est pu, l’malhureux.
Boivomm’s en l’y chantant n’ein messe
Et plérons-lé dè noûs dès yeux !

Poème tiré de la page sur Charles Pitou sur le site Perche-gouet www.perche-gouet.net/histoire/pdf/61038-01/Charles%20Pitou.pdf

lundi 23 juillet 2012

Gaston Couté, chansonnier, anarchiste...et beauceron

Aujourd'hui, je voudrais parler d'un personnage original dans la littérature en langue régionale: Gaston Couté. Ce poète du XIXeme siècle se distingue en effet par son existence agitée et riche en aventure. Le poète beauceron connut une vie tumultueuse dans les cabarets de Paris, ou il gagna une renommée pour ses chansons. Ces chansons sont devenus des classiques du genre, et furent même interprétées par des grands noms de la chanson française, comme Edith Piaf.

Mais ce fils de meunier beauceron n'oubliat pas sa région, qu'il continua à parcourir, comme lors de cet épisode célèbre ou il alla d'Orléans au sud du Berry, effectuant une marche d'une centaine de kilomètre. Sa langue maternelle joue également un rôle important dans son oeuvre, qu'on peut retrouver en cinq volumes sous le titre "un gas qui a mal tourné".

Ses poèmes en beauceron nous livre un tableau cru et vivant de cette région rurale, tirant partie des formules imagées et de la concision du beauceron. Son regard sur sa région révèle également une pensée originale, dont l'ironie grinçante sur la guerre et les comportements moutonniers peuvent rappeler Brassens. Ci-dessous, "un gas qui a mal tourné", un poème emblématique de son oeuvre, illustre bien la puissance d'évocation de sa région natale et la soif de liberté de ce poète.

LE GAS QU'A MAL TOURNE

Dans les temps qu'j'allais à l'école,
- Oùsqu'on m'vouèyait jamés bieaucoup, -
Je n'voulais pâs en fout'e un coup ;
J'm'en sauvais fér' des caberioles,
Dénicher les nids des bissons,
Sublailler, en becquant des mûres
Qui m'barbouillin tout'la figure,
Au yeu d'aller apprend' mes l'çons ;
C'qui fait qu'un jour qu'j'étais en classe,
(Tombait d' l'ieau, j'pouvions pâs m'prom'ner !)
L'mét'e i'm'dit, en s'levant d' sa place :
"Toué !... t'en vienras à mal tourner !"

Il avait ben raison nout' mét'e,
C't'houmm'-là, i'd'vait m'counnét' par coeur !
J'ai trop voulu fére à ma tête
Et ça m'a point porté bounheur ;
J'ai trop aimé voulouér ét' lib'e
Coumm' du temps qu' j'étais écoyier ;
J'ai pâs pu t'ni' en équilib'e
Dans eun'plac', dans un atéyier,
Dans un burieau... ben qu'on n'y foute
Pâs grand chous' de tout' la journée...
J'ai enfilé la mauvais' route!
Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !

A c'tt' heur', tous mes copains d'école,
Les ceuss' qu'appernin l'A B C
Et qu'écoutin les bounn's paroles,
l's sont casés, et ben casés !
Gn'en a qui sont clercs de notaire,
D'aut's qui sont commis épiciers,
D'aut's qu'a les protections du maire
Pour avouèr un post' d'empléyé...
Ça s'léss' viv' coumm' moutons en plaine,
Ça sait compter, pas raisounner !
J'pense queuqu'foués... et ça m'fait d'la peine
Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !

Et pus tard, quand qu'i's s'ront en âge,
Leu' barbe v'nu, leu' temps fini,
l's vouéront à s'mett'e en ménage ;
l's s'appont'ront un bon p'tit nid
Oùsque vienra nicher l' ben-êt'e
Avec eun' femm'... devant la Loué !
Ça douét êt' bon d'la femme hounnête :
Gn'a qu'les putains qui veul'nt ben d'moué.
Et ça s'comprend, moué, j'ai pas d'rentes,
Parsounn' n'a eun' dot à m'dounner,
J'ai pas un méquier dont qu'on s'vante...
Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !

l's s'ront ben vus par tout l'village,
Pasqu'i's gangn'ront pas mal d'argent
A fér des p'tits tripatrouillages
Au préjudic' des pauv'ers gens
Ou ben à licher les darrières
Des grouss'es légum's, des hauts placés.
Et quand, qu'à la fin d'leu carrière,
l's vouérront qu'i's ont ben assez
Volé, liché pour pus ren n'fére,
Tous les lichés, tous les ruinés
Diront qu'i's ont fait leu's affères...
Moué ! j's'rai un gâs qu'a mal tourné !

C'est égal ! Si jamés je r'tourne
Un joure r'prend' l'air du pat'lin
Ousqu'à mon sujet les langu's tournent
Qu'ça en est comm' des rou's d'moulin,
Eh ben ! I' faura que j'leu dise
Aux gâs r'tirés ou établis
Qu'a pataugé dans la bêtise,
La bassesse et la crapulerie
Coumm' des vrais cochons qui pataugent,
Faurâ qu' j'leu' dis' qu' j'ai pas mis l'nez
Dans la pâté' sal' de leu-z-auge...
Et qu'c'est pour ça qu'j'ai mal tourné !...



 

Apponter - S'apponter = Arranger - S'arranger.
Atéyier = Atelier.
Bisson = Buisson.
Licher = Pour lècher, boire, avaler.
Loués = Pour lois.
Méquier = Métier.
Qu'appernin = Pour " qui apprenaient ".
Sublailler = Siffloter (de sublet pour sifflet, subler pour siffler).


J'ai trouvé ce poème sur ce site complet qui lui est dédié, où l'on peut trouver de nombreux poèmes de l'artiste .